vendredi 16 novembre 2007

Repenser notre humanité

par G.B.
La philosophie occidentale de l’objectivation
Nous sommes imprégnés et conditionnés en grande partie par la philosophie du siècle des Lumières et les réflexes culturels de l’idéologie néo-libérale.

Cette philosophie, à l’origine de grands progrès dans le domaine de la connaissance de la matière et du développement technique et industriel, s’est construite sur les bases scientifiques de l’observation matérielle de la nature, de l’évolution darwinienne des espèces, du développement de l’industrie et de l’objectivation de l’environnement.

C’est avec cette orientation scientifique, limitée à nos moyens de perceptions sensoriels, seuls garants de l’objectivité du monde, que s’est assise la nouvelle idéologie, balayant des siècles considérés d’obscurantisme religieux. L’homme occidental des pays industrialisés a changé de morale et son comportement social est passé d’un intégrisme religieux à un intégrisme scientifique basé sur les lois mécaniques de la physique. Il ne s’est même pas aperçu qu’il découvrait les lois de la matière grâce à l’univers symbolique des nombres et des idées, issu du monde immatériel de la pensée universelle. Suivant cette logique, les religions sont reléguées au rang d’accessoires destinés à soulager l’homme de son éphémère parcours. Car né de la poussière, il retournera à la poussière, comme tout le monde peux le constater.

L’homme d’aujourd’hui est tendu entre l’espoir d’une science objective qui lui permettra un jour de comprendre sa raison d’être et la nostalgie profonde, souvent inconsciente, d’un paradis perdu que tentent de réactualiser les religions. La foi et la pratique des religions, sont souvent considérées par les tenants de la liberté de conscience, de la laïcité et des sciences exactes, comme l’expression d’une faiblesse d’esprit devant l’évidence de nos perceptions.

Cette philosophie de l’objectivation a contaminé les sciences, la civilisation occidentale et les religions issues du christianisme. Elle a amputé l’homme de sa nature spirituelle et règne en maître dans le néolibéralisme économique qui se manifeste dans la marchandisation globale de notre environnement, de notre nature, de nos gènes, de nos pulsions et désirs, de nos pensées, de nos idées et de notre force de travail. Elle a créé un vide dans lequel la nature spirituelle de l’Homme cherche à se valoriser par la violence, l’égoïsme, l’indifférence, l’amour, la compassion et toutes les valeurs qui lui sont proposées par son environnement à l’épreuve du bien et du mal, du juste et du faux, du beau et du laid.

Face au néolibéralisme économique, la société civile se manifeste
Dans la mesure où les nouveaux pouvoirs culturels de la société civile utilisent cette même idéologie de l’objectivation pour lutter contre la marchandisation, ils seront, à terme, récupérés par les pouvoirs économiques et politiques et demeureront impuissants dans le grand choc culturel opposant l’Est et l’Ouest.

Après l’euphorie de ses premières victoires sur les pouvoirs politico-économique, la société civile culturelle ressent la nécessité de mieux se connaître, d’affirmer son pouvoir, et de trouver une identité et une philosophie en rapport avec ses revendications sociales. Elle doit se soumettre à cet examen de conscience, afin que de cette conscience émerge les solutions spirituelles aux problèmes très pratiques auxquels nous sommes confrontés.

Les individus, les citoyens, refusent de plus en plus d’être considérés comme des marchandises et des acteurs passifs d’une société régie par l’égoïsme des pouvoirs économiques. Ils rejettent de plus en plus les intégrismes de toutes sortes et recherchent dans leur vie, le sens profond de leur humanité et de leur nature spirituelle. Des hommes et des femmes commencent peu à peu à se libérer des « maîtres à penser » et des médiatisations publicitaires des pouvoirs politiques et économiques.

(pour lire la suite, procurez-vous la revue Le Seuil, disponible en kiosque prochainement)

Variations sur El Topo (La Taupe) de Alessandro Jodorowsky

Métaphore pour un chemin d’initiation christique

par E.T.

La taupe est un animal qui creuse des galeries sous la terre, à la recherche du soleil. Parfois son chemin l’amène à la surface. Mais quand elle regarde le soleil, elle est aveuglée…

Depuis la genèse jusqu’à l’apocalypse, thèmes bibliques développés par Jodorowsky, le sang couvre ce film de toute sa présence. Sa représentation est certes barbare mais non négligeable. Le sang étant l’expression du moi, il imprègne l’œuvre de sa grandiloquence; il en marque ainsi l’enjeu essentiel, c'est-à-dire l’émancipation de l’être… Le sang est érotisme, violence mais aussi présence transcendante de l’homme puisque témoignage de sa mort.

L’affection marquée par Jodorowsky pour le duel au revolver témoigne d’une préoccupation plus profonde, celle de la rencontre avec l’autre… L’homme dans la réalité comme dans le film gravit des échelons par sa rencontre avec l’autre. Ces rencontres lui permettent d’élever sa conscience. Cependant une seule ambition demeure; celle de surpasser celui qui nous fait grandir. Une fois son secret divulgué, une fois notre profit assuré, c’est le duel et finalement la victoire qui assure notre postérité. « Il faut que tu sois le meilleur » ne cesse de répéter Mara, la femme qui accompagne El Topo. Notre héro sait qu’elle ne l’aimera pas tant qu’il n’aura pas vaincu les quatre maîtres du monde… Dans ce rapport l’autre n’est plus qu’un moyen, le surpasser est une fin…

Dans une démarche initiatique, surpasser les autres en force est signe d’ambition. Chaque rencontre devient un prétexte pour se hisser plus haut. Pourtant ce n’est pas en cela que réside la vraie puissance. El Topo l’apprendra à ses dépends…

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La géographie sidérale

par D.N.

L'essai de Doumayrou sur la géographie sidérale est publié en 1975, soit très probablement durant la période de gestation du projet de publication de la Civilisation surréaliste.

Ce livre résume un ensemble de recherches dont les premiers jalons sont publiés dans la revue Médium. Doumayrou fournit également une carte géographique pour accompagner un article de Jean Markale reproduit vers la même époque dans le Bulletin de Liaison Surréaliste.

Doumayrou est un pamphlétaire passionné; il a publié des tracts dans le journal anarchiste le Libertaire, et son étude hautement poétique de la géographie sidérale porte des traces flamboyantes bien que très ponctuelles de ses revendications libertaires et écologiques essentielles.

L'observation à l'origine de l'essai de Doumayrou est la suivante: le trajet des cathédrales, des pèlerinages, de quelques châteaux isolés, forment en France des réseaux calqués sur les déplacements des principales constellations du zodiaque.


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Le mouvement Soka Gakkai face à la voie moderne de développement spirituel

par R.S.

La Soka Gakkai en bref
La Soka Gakkai est un « Nouveau Mouvement Religieux » (NMR) issu du bouddhisme dit « de Nichiren », datant du XIIIe siècle et dont les variantes sont aujourd’hui très nombreuses au Japon, son pays d’origine. À la suite de son leader Daisaku Ikeda ce mouvement fait la promotion de la paix mondiale et propose bonheur, guérisons et richesse par la récitation du mantra Namu Myo Hô Renge Kyo, tiré du Sutra du Lotus. Nichiren disait de ce sutra qu’il était le « joyau caché » du bouddhisme et qu’il contenait toute l’essence des enseignements du Bouddha, ces derniers ayant été selon lui dénaturés au cours des siècle et donc sans grande valeur opérative. On peut ainsi « faire sa révolution humaine » et atteindre la boddhéité ou « état de Bouddha » facilement et rapidement, sans avoir à attendre plusieurs vies. Malgré la controverse qui l’entoure, au Japon notamment, la Soka Gakkai Internationale (ou SGI) est le plus important NMR au monde, tant par ses ressources financières que par la masse de ses adeptes, comptant près de douze millions de membres répartis dans 190 pays, dont huit millions au Japon seulement. Sa fortune est estimée par les experts à plusieurs centaines de milliards de dollars. Un parti politique japonais très puissant a été fondé sous l’initiative de la SGI : le Komeito.

Pourquoi étudier un mouvement si controversé?
Bien plus qu’une critique adressée à la Soka Gakkai, cet article veut explorer la réalité sectaire afin de mieux cerner, par le biais de ce contre-exemple, ce que pourrait être une voie spirituelle authentique qui réponde aux nécessités modernes. Cette distinction sera réalisée non pas par un ensemble de reproches adressés à la foi mais plutôt par l’éloge de l’exercice rigoureux de la pensée libre comme voie de développement spirituel. Cela implique, d’une part, de reconnaître la logique sectaire et ses attraits, et, d’autre part, de comprendre en quoi on s’éloigne ainsi d’une démarche s’appuyant sur une conscience libre et claire, telle que celle proposée par l’anthroposophie. En raison de son cadre limité, cette analyse ne peut apporter toutes les nuances nécessaires pour se faire une idée juste et complète de la SGI . Il serait par exemple incorrect de supposer que tout adepte de la SGI subisse à un même degré les conséquences des tendances et erreurs décrites ici , erreurs qui incombent pour la plupart à ceux qui ont modifié puis propagé l’enseignement de Nichiren.

Le présent essai ne cherche pas à convaincre ou à juger mais invite plutôt à la réflexion, au questionnement de nos certitudes et de nos attitudes vis-à-vis la connaissance et la croyance, et nous y sommes tous conviés. Car même ceux qui s’engagent sur une voie qui se veut fondée sur la raison auront tôt ou tard à débusquer et questionner leurs certitudes, afin de mieux lutter contre cette tendance naturelle qu’a l’être humain de se berner lui-même, lorsque ce n’est pas tout simplement une instance extérieure qui tente de l’induire en erreur .

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Un grand malaise existentiel sévit de nos jours et plusieurs NMR profitent de cette situation pour attirer à eux ceux qui en souffrent ou qui désirent tout simplement redonner une dimension spirituelle à leur vie. De nombreux NMR, jouant sur les insatisfactions et les aspirations individuelles – des plus spirituelles aux plus matérielles – et empruntant aux stratégies de marketing peu scrupuleuses bien connues dans les sphères commerciale et politique, iront jusqu’à garantir l’efficacité immédiate de leurs méthodes. Tout NMR et toute religion officielle prétend pouvoir nous libérer de tous les maux de l’existence, chacun proposant une méthode qui lui est propre – même si dans les faits il s’agit souvent de variations peu originales d’un même procédé. C’est pour cette raison que quelques connaissances en psychologie, en philosophie et en sciences des religions se révèlent fort utiles pour prendre le recul nécessaire afin de poser les bonnes questions et ainsi mettre en perspective les affirmations d’un système idéologique ou d’un groupe spirituel. Une attitude ouverte mais circonspecte s’impose, surtout si ce groupe prétend être le seul à offrir une solution efficace, à détenir « l’Enseignement Authentique », etc. Notons que si le désir de propager « la bonne nouvelle » dans un élan de gratitude et de compassion est compréhensible, la chose devient assurément pernicieuse lorsqu’on brime, souvent sans s’en apercevoir, la liberté fondamentale de l’être humain en usant de manipulation émotive et cognitive. Et si la personne agissant ainsi venait à s’en rendre compte, elle pourrait toujours se dire que « la fin justifie les moyens ».

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Le nouveau paradigme nucléaire

par J.S.

"Dans un scénario à la James Bond, l'ex-espion Alexandre Litvinenko aurait été empoisonné par du polonium 210, une substance hautement radioactive, ont annoncé vendredi les autorités britanniques." AFP, 24 novembre 2006

"Il dépend de nous de progresser sans cesse sur la voie du bonheur, du savoir et de la sagesse. Allons-nous, au contraire, choisir la mort parce que nous sommes incapables d'oublier nos querelles? L'appel que nous lançons est celui d'êtres humains à d'autres êtres humains : rappelez-vous que vous êtes de la race des hommes et oubliez le reste. Si vous y parvenez, un nouveau paradis est ouvert; sinon, vous risquez l'anéantissement universel." Manifeste Russell-Einstein, 1955

La Révolution industrielle
Point tournant dans l’histoire de l’humanité, la fin dix-septième siècle voit l’avènement de la révolution industrielle, une époque de mécanisation et d’automatisation sans précédent. L’économie, auparavant basée sur le travail manuel, est graduellement remplacée et supplantée par le travail à la chaîne, la machinerie et l’industrie. Ces changements s’accompagnent de bouleversements culturels, socio-économiques et militaires remarquables, en Angleterre tout d’abord, puis dans le reste du monde. Dans un premier temps, tous ces développements sont rendus possibles grâce à la fabrication du moteur à vapeur, qui servira à propulser les machines, les trains et les navires. Le moteur à combustion et la génération de l’énergie électrique viendront compléter ce progrès dans un second (deuxième) temps. C’est à ce moment que, pour la première fois, on contemple l’utopie d’une société des loisirs, où les êtres humains seront finalement totalement libérés des tâches ingrates et répétitives, leur permettant ainsi de se consacrer aux loisirs, à la recherche du savoir et aux activités artistiques, selon leur bon vouloir.

La révolution nucléaire
Les progrès accomplis en physique théorique ouvrent la porte à tous les possibles, si bien qu’Albert Einstein déclare que la maîtrise de l’atome pourrait mener à une ère de paix sans précédent pour l’humanité. Lorsque l’atome est brisé en 1938, Einstein écrit une lettre qu’il envoie à F. D. Roosevelt dans laquelle il suggère, dans un avenir rapproché, l’utilisation de l’énergie atomique comme source d’énergie d’importance. Il ajoute : "Ce nouveau phénomène pourrait également mener à la construction de bombes, et il est concevable, — mais beaucoup moins certain — que des bombes d’une puissance extrême d’une genre nouveau soient ainsi construites. Une seule de ces bombes, transportée à bord d’une navire que l’on fait exploser dans un port, pourrait entièrement détruire ce port ainsi que le territoire environnant."

Une nouvelle menace, l’Allemagne nazie, pousse les alliés à la conception et à la fabrication de l’arme atomique. On voit alors naître aux États-Unis de gigantesques centres de recherche, des villes entièrement consacrées à la production de matériel nucléaire visant à activer les bombes atomiques du Projet Manhattan. Parmi les dizaines de milliers de travailleurs dans ces centres, un grand nombre d’entre eux sont atteints de malaises et de maux que les scientifiques s’efforcent dès lors d’étudier. On croit d’abord faire face à un problème causé exclusivement par la radiation, mais on réalise par la suite qu’un autre élément, le fluor, un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium, est lui aussi largement responsable des problèmes de santé des travailleurs.

On sait aujourd’hui, grâce à la divulgation de documents classés secret rendus publics grâce à loi sur l’accès à l’information, que l’on a caché les effets toxiques des fluorures, pour éviter les poursuites et pour mener à terme les recherches destinées à créer la bombe atomique. Ces documents révèlent qu’un ardent promoteur de la fluoration de l’eau, le Dr. Hodge, un scientifique travaillant à la solde du Département de l’énergie atomique des États-Unis, avait des liens avec les services de santé dentaire des État-Unis. Nous savons maintenant que ce même Dr. Hodge a aussi pris part à des expériences portant sur les effets des radiations chez des sujets à qui l’on avait injecté du plutonium radioactif, à leur insu. Effort de guerre oblige… C’est le Dr. Gerald J. Cox, biochimiste de l’institut Mellon, lié à l’industrie de l’aluminium, qui est chargé de trouver la solution finale. En 1939, dans un rapport interne, il soutient que : "L'opinion courante, qui tend à vouloir débarrasser l'eau complètement des fluorures doit être repensée". Peu après, il suggère l’ajout du fluorure de sodium à l’eau potable dans le but de prévenir la carie dentaire. L’industrie atomique, de connivence avec le conglomérat de l’aluminium, parvient ainsi à régler son problème : on résout la pollution par la dilution. Dès lors un précédent est créé, car bien que le gouvernement interdise de déverser le fluorure dans les rivières, on permet que le fluorure, un déchet toxique, soit déversé dans l’eau potable!

Le 6 août 1945, l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki au Japon marque la fin de la Seconde Guerre mondiale et consacre définitivement le début de l’ère atomique. On estime que près de 215 000 personnes ont péri des effets directs des frappes ou des répercussions qui s’ensuivirent , la grande majorité d’entre elles étant des civils. On chiffre à près de 550 le nombre de décès redevables à la radioactivité au cours des trente années suivantes. Ce nombre ne tient pas compte du taux anormalement élevé de malformations congénitales ou de maladies non létales causées par les effets tératogènes de la radioactivité (radiations gamma et neutrons). Suite aux explosions, des pluies radioactives ont balayé ces régions, contaminant au passage les sols, les matériaux et les produits agricoles pendant des années.


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