vendredi 16 novembre 2007

Le nouveau paradigme nucléaire

par J.S.

"Dans un scénario à la James Bond, l'ex-espion Alexandre Litvinenko aurait été empoisonné par du polonium 210, une substance hautement radioactive, ont annoncé vendredi les autorités britanniques." AFP, 24 novembre 2006

"Il dépend de nous de progresser sans cesse sur la voie du bonheur, du savoir et de la sagesse. Allons-nous, au contraire, choisir la mort parce que nous sommes incapables d'oublier nos querelles? L'appel que nous lançons est celui d'êtres humains à d'autres êtres humains : rappelez-vous que vous êtes de la race des hommes et oubliez le reste. Si vous y parvenez, un nouveau paradis est ouvert; sinon, vous risquez l'anéantissement universel." Manifeste Russell-Einstein, 1955

La Révolution industrielle
Point tournant dans l’histoire de l’humanité, la fin dix-septième siècle voit l’avènement de la révolution industrielle, une époque de mécanisation et d’automatisation sans précédent. L’économie, auparavant basée sur le travail manuel, est graduellement remplacée et supplantée par le travail à la chaîne, la machinerie et l’industrie. Ces changements s’accompagnent de bouleversements culturels, socio-économiques et militaires remarquables, en Angleterre tout d’abord, puis dans le reste du monde. Dans un premier temps, tous ces développements sont rendus possibles grâce à la fabrication du moteur à vapeur, qui servira à propulser les machines, les trains et les navires. Le moteur à combustion et la génération de l’énergie électrique viendront compléter ce progrès dans un second (deuxième) temps. C’est à ce moment que, pour la première fois, on contemple l’utopie d’une société des loisirs, où les êtres humains seront finalement totalement libérés des tâches ingrates et répétitives, leur permettant ainsi de se consacrer aux loisirs, à la recherche du savoir et aux activités artistiques, selon leur bon vouloir.

La révolution nucléaire
Les progrès accomplis en physique théorique ouvrent la porte à tous les possibles, si bien qu’Albert Einstein déclare que la maîtrise de l’atome pourrait mener à une ère de paix sans précédent pour l’humanité. Lorsque l’atome est brisé en 1938, Einstein écrit une lettre qu’il envoie à F. D. Roosevelt dans laquelle il suggère, dans un avenir rapproché, l’utilisation de l’énergie atomique comme source d’énergie d’importance. Il ajoute : "Ce nouveau phénomène pourrait également mener à la construction de bombes, et il est concevable, — mais beaucoup moins certain — que des bombes d’une puissance extrême d’une genre nouveau soient ainsi construites. Une seule de ces bombes, transportée à bord d’une navire que l’on fait exploser dans un port, pourrait entièrement détruire ce port ainsi que le territoire environnant."

Une nouvelle menace, l’Allemagne nazie, pousse les alliés à la conception et à la fabrication de l’arme atomique. On voit alors naître aux États-Unis de gigantesques centres de recherche, des villes entièrement consacrées à la production de matériel nucléaire visant à activer les bombes atomiques du Projet Manhattan. Parmi les dizaines de milliers de travailleurs dans ces centres, un grand nombre d’entre eux sont atteints de malaises et de maux que les scientifiques s’efforcent dès lors d’étudier. On croit d’abord faire face à un problème causé exclusivement par la radiation, mais on réalise par la suite qu’un autre élément, le fluor, un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium, est lui aussi largement responsable des problèmes de santé des travailleurs.

On sait aujourd’hui, grâce à la divulgation de documents classés secret rendus publics grâce à loi sur l’accès à l’information, que l’on a caché les effets toxiques des fluorures, pour éviter les poursuites et pour mener à terme les recherches destinées à créer la bombe atomique. Ces documents révèlent qu’un ardent promoteur de la fluoration de l’eau, le Dr. Hodge, un scientifique travaillant à la solde du Département de l’énergie atomique des États-Unis, avait des liens avec les services de santé dentaire des État-Unis. Nous savons maintenant que ce même Dr. Hodge a aussi pris part à des expériences portant sur les effets des radiations chez des sujets à qui l’on avait injecté du plutonium radioactif, à leur insu. Effort de guerre oblige… C’est le Dr. Gerald J. Cox, biochimiste de l’institut Mellon, lié à l’industrie de l’aluminium, qui est chargé de trouver la solution finale. En 1939, dans un rapport interne, il soutient que : "L'opinion courante, qui tend à vouloir débarrasser l'eau complètement des fluorures doit être repensée". Peu après, il suggère l’ajout du fluorure de sodium à l’eau potable dans le but de prévenir la carie dentaire. L’industrie atomique, de connivence avec le conglomérat de l’aluminium, parvient ainsi à régler son problème : on résout la pollution par la dilution. Dès lors un précédent est créé, car bien que le gouvernement interdise de déverser le fluorure dans les rivières, on permet que le fluorure, un déchet toxique, soit déversé dans l’eau potable!

Le 6 août 1945, l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki au Japon marque la fin de la Seconde Guerre mondiale et consacre définitivement le début de l’ère atomique. On estime que près de 215 000 personnes ont péri des effets directs des frappes ou des répercussions qui s’ensuivirent , la grande majorité d’entre elles étant des civils. On chiffre à près de 550 le nombre de décès redevables à la radioactivité au cours des trente années suivantes. Ce nombre ne tient pas compte du taux anormalement élevé de malformations congénitales ou de maladies non létales causées par les effets tératogènes de la radioactivité (radiations gamma et neutrons). Suite aux explosions, des pluies radioactives ont balayé ces régions, contaminant au passage les sols, les matériaux et les produits agricoles pendant des années.


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